MARIELLA MANGANO

Face au miroir de l'être
« Etre dans le silence de l’espace face aux regards, laisser l’émotion se déployer jusqu’à ne faire qu’un avec elle »

J’ai assez vite compris que pour moi, mettre un nez de clown, signifiait exposer mon coeur, ma vulnérabilité en plein jour, ce nez au milieu de mon visage était la porte de mon expression. »

Bruxelles, gare du midi.

Mon voyage a commencé à 9 heures du matin lorsque, dans la voiture de mon père qui m’accompagnait à la gare, passait la chanson de Venus – vertigone « Beautiful days ».
J’aime prendre le train. Je me déplace en chaise roulante, j’ai un handicap notoire et je ne marche que peu mais les voyages en transports en commun me font voler.

Paris, 14 rue de la Paix.

J’ai assez vite compris que pour moi, mettre un nez de clown, signifiait exposer mon coeur, ma vulnérabilité en plein jour, ce nez au milieu de mon visage était la porte de mon expression.

Etre dans le silence de l’espace face aux regards, laisser l’émotion se déployer jusqu’à ne faire qu’un avec elle, présenter « Mariella » ma chaise roulante ou encore entrer dans ma clairière intérieure pour poser une question à mon être, sont autant d’exercices qui m’ont marquée. Profondément.

J’ai aimé voir déposé entre mes mains le pouvoir de jouer avec les éléments de mon inconscient surgissant dans l’espace de ma conscience. J’ai aimé sentir qu’on faisait appel à la plus belle part de mon être pour répondre aux parts surgissant de moi. Je jouais avec le pouvoir de « Qui Je Suis ».

Deux des expériences les plus touchantes furent d’une part la présentation de « Mariella » ma chaise roulante: j’étais loin d’imaginer que toutes les craintes et colères qui sont à la source de mon handicap étaient sur le point de se dévoiler avec tant de clarté et de puissance émotionnelle. Il en restait évident que j’étais triste de « porter les affaires de tout le monde pendant que chacun allait courir et jouer », puis aussi j’ai buté sur ma colère face aux limites. J’avais tellement besoin d’être utile pour me sentir aimée…

D’autre part, la seconde expérience puissante fut celle d’entrer dans ma forêt intérieure par une méditation guidée qui m’amena à une clairière où je découvris une femme vêtue de draps rouges. La méditation me permettait alors de lui poser une question de mon choix: « où donc dois-je aller? ». Avec toute la légèreté des tissus, elle se leva et me répondit: « sois la bienvenue ». Je me suis réveillée de cette méditation dans un état de grâce. Je me SENTAIS accueillie, je me sentais la bienvenue. Sur le chemin du retour, en bus, ce soir là, de nombreuses expériences auraient pu me plonger dans la tristesse (une parole peu délicate sur les personnes handicapées, l’envahissement de mon espace physique par le sac d’une personne n’ayant pas pris conscience de ma présence, etc.). D’ordinaire, j’aurais vécues ces expériences à partir de ma blessure de rejet. Mais ce soir là, l’accueil que je sentais pleinement de mon être intérieur pour moi même, ne laissait pas de place à ces sentiments. J’avais au contraire, envie d’accueillir tout le monde, envie de faire goûter ce précieux cadeau à tous les êtres vivant inconsciemment baignés dans l’énergie du rejet. Je ressentais cet amour sans aucun effort. Un jeune homme handicapé avec le corps rempli de nervosité est même monté dans ce bus comme un miroir de mon handicap, et je l’ai trouvé rayonnant de beauté.

Quelle paix, rue de la paix…